L’andragogie, une discipline au service de l’alphabétisation
des adultes
Dans un contexte de retour aux études et surtout d’alphabétisation, l’adulte ne doit
pas se sentir comme le jeune enfant qui fait le passage du foyer familial au banc de
l’école. Bien que peu sûr devant une situation quasi nouvelle, l’adulte déscolarisé
ou qui n’a pas eu l’occasion de fréquenter  l’école quand il était enfant, doit pouvoir
s’appuyer sur ses expériences passées. C’est pourquoi le choix de l’andragogie comme
approche d’enseignement est tout à fait pertinent pour le contexte d’alphabétisation
des adultes.
L’approche andragogique considère l’adulte comme un individu et un acteur social.
Elle axe sur le respect et le développement de son autonomie. Il s’agit essentiellement
d’accompagner l’adulte, de le guider et de lui fournir les outils nécessaires pour faciliter
son processus d’apprentissage.
L’andragogie tranche avec la pédagogie utilisée à l’école avec de jeunes
apprenants sur plusieurs plans : la place du savoir, le rôle du formateur, la perception
de l’apprenant et l’orientation de l’apprentissage.
D’un point de vue andragogique, les adultes ne sont pas aussi dépendants que les jeunes
face à l’enseignant. Ils préfèrent être responsables d’eux-mêmes et utiliser davantage leurs
expériences personnelles pour apprendre. Le formateur n’est plus perçu comme le
détenteur du savoir, il devient plutôt un accompagnateur et un guide de l’adulte dans son
apprentissage. Son enseignement est centré sur l’accomplissement de tâches et la
résolution de problèmes. Le concept de soi, l’expérience de l’adulte, sa motivation et ses
besoins jouent un rôle crucial dans la définition des rapports qui se créent entre le savoir,
l’enseignant et l’apprenant adulte. Le tableau ci-dessous récapitule ces quatre
principes fondamentaux qu’il faut respecter en situation de formation aux adultes.
Le Référentiel de Compéte ces En Alphabétisation 13
TABLEAU 1 : LES QUATRE PRINCIPES DE L’ANDRAGOGIE
1. Le concept de
soi
L’adulte prend sa vie en main, prend ses
décisions et fait des choix éclairés ses
propres intérêts.
2. L’expérience
L’adulte se réfère à son expérience pour
apprendre. C’est une source très riche
pour l’apprentissage.
3. La motivation
L’apprentissage doit s’orienter vers
des tâches développementales,
des situations réelles et des rôles
sociaux. L’adulte est motivé par
le but à atteindre, par l’activité et
l’apprentissage. Bien que certains
adultes soient motivés par des raisons
«externes», telles l’obtention d’un
meilleur emploi ou une augmentation
de salaire, les plus puissantes
viennent de l’intérieur : estime de
soi, reconnaissance personnelle et
sociale, meilleure qualité de vie, goût
d’apprendre,
interactions sociales et apprentissages
liés
aux différents aspects de la vie d’adulte.
4. Les besoins de
l’adulte
L’apprentissage doit être utile et
pratique dans l’immédiat. L’adulte est
prêt à apprendre si ces connaissances
lui permettent de mieux affronter des
situations réelles.
14 Le Référentiel de Compéte ces En Alphabétisation
L’alphabétisation des adultes ne doit pas viser seulement la transmission des
savoirs, elle devrait leur offrir l’occasion de mettre en valeur et d’utiliser leurs propres
savoirs et de participer à leur apprentissage. Les adultes apprennent mieux lorsque
le contenu et les moyens utilisés sont connus d’avance et que le plan et l’horaire sont
respectés. De plus, ils retirent un plaisir certain à atteindre leurs objectifs; souhaitent être
traités en adultes; préfèrent les approches concrètes et les apprentissages significatifs qu’ils
peuvent mettre en pratique dans leur vie; aiment prendre leur temps, évoluer à leur propre
rythme et utiliser du matériel familier; favorisent la coopération, plutôt que la
compétition.
L’approche andragogique redéfinit entièrement les rapports qui peuvent exister
entre l’alphabétiseur et les bénéficiaires. Les alphabétiseurs seront invités à intégrer
cette nouvelle approche d’enseignement dans le respect de ses différentes orientations.
1.3 - Le concept de « compétence »
De plus en plus, la notion de compétence occupe une place prépondérante dans
le domaine de l’éducation. La majorité des programmes de formation de base ou
professionnelle formule leurs objectifs en termes de compétences à faire acquérir aux
apprenants.
Le concept de compétence fait l’objet d’un nombre important de définitions
dans la littérature. Dans ce référentiel, il ne s’agit pas de recenser l’ensemble des
définitions attribuées au terme de compétence, mais de rappeler les caractéristiques
communes qui le définissent, sur lesquelles il y a consensus depuis une dizaine
d’années quel que soit le champ disciplinaire.
Trois caractéristiques constitutives de la compétence semblent faire l’unanimité chez
les spécialistes de la question. Il existe dans toutes les définitions de la compétence un lien
entre :
Ø Compétence et action : la compétence, c’est la capacité d’agir d’un individu.
Elle se manifeste dans la tâche à accomplir.
Ø Compétence et situation (contexte dans lequel on agit) : la compétence est
contingente d’une situation donnée, et suppose donc une adaptation aux
évolutions et aux exigences de la situation. Elle ne s’opère pas dans l’absolu.
Ø Compétence et mobilisation de façon interactive des différents éléments qui
la constituent pour répondre aux différentes situations : il y a mobilisation,
organisation, intégration, conscientisation, et le plus souvent combinaison de
différents types de savoirs, acquis en formation, dans la pratique professionnelle
Le Référentiel de Compéte ces En Alphabétisation 15
ou sociale. 
À ces caractéristiques, s’ajoute un quatrième lien, tout à fait pertinent pour le public
ciblé par le programme d’alphabétisation, entre :
Ø validation de la compétence et « construction identitaire », c’est-à-dire l’estime
de soi dans la réussite de la réalisation d’une tâche, ce qui a pour effet un
lien entre la validation de la compétence et la reconnaissance sociale. Une
compétence validée égale une réussite socialement et officiellement reconnue.
La compétence a donc un caractère combinatoire et contextuel : un individu, en
fonction de sa représentation de la situation, combine un ensemble d’éléments qu’il
a appris, dans le but de mener à bien une activité spécifique. La compétence, si
elle est mise en oeuvre, a un caractère permanent. Elle résulte d’un processus
d’apprentissage.
Dans l’approche adoptée en alphabétisation des adultes, la compétence est à la fois un
processus et un résultat, une cible de formation. Elle est définie comme un pouvoir d’agir,
de réussir et de progresser fondé sur la mobilisation et l’utilisation efficace d’un
ensemble intégré de ressources pour faire face à une famille de situations de vie. Dans la
définition du concept de compétence retenue, il y a trois types de pouvoirs : le pouvoir
d’agir renvoie à la mise en oeuvre de situations d’enseignement, d’apprentissage et
d’évaluation où les apprenants exercent leur autonomie; le pouvoir de réussir incite
à fournir aux apprenants des occasions authentiques d’exercer la compétence et de
l’évaluer. Pour sa part, le pouvoir de progresser suggère aux formateurs de proposer des
situations nouvelles qui favorisent le transfert et le développement de la compétence
au-delà des exigences du programme poursuivi. L’idée est de faire ressortir l’importance
de l’action du sujet qui développe sa compétence en contexte.
Dans ce référentiel, les compétences à développer chez la public cible découlent, entre
autres, de compétences de base (ou compétences-clés) et de compétences spécifiques.
Ces dernières se rattachent directement à la clientèle et au contexte marocains et seront
traitées dans le chapitre consacré à l’inventaire des compétences du programme
d’alphabétisation. Les compétences-clés, quant à elles, sont reconnues, sur le plan
international, comme étant nécessaires dans un programme d’alphabétisation. Afindebien
comprendre leur application dans le présent référentiel, il importe d’en définir le
cadre théorique.
Previous Post Next Post