LES DROITS DU PRISONNIER
Les droits du prisonnier, ce sont les droits de l’individu en prison. Mais l’individu commence par son corps et l’environnement dans lequel ce corps est détenu, c’est la peine d’emprisonnement. Le corps et l’espace. Les droits du corps dans cet espace ! Basiques mais pas si évidents pour ceux qui considèrent la prison comme un lieu symbole de châtiment moral et qui ont apparemment rédigé la loi.
Avec l’orgueil d’en avoir fini avec les supplices ou les boulets  ferrés aux chevilles des bagnards, on s’est vite contenté d’un monde cellulaire dans lequel les punis auraient tout le loisir (car rien d’autre à faire) de repenser à leurs crimes. On les enferme, ça se remarque à peine, ils disparaissent un (long) moment. Certains disent les avoir vus un bref instant surgir au parloir, mais c’est à condition de ne pas être soi-même arrivé une seconde en retard. Heureusement que pendant tout ce temps perdu sous une mauvaise ampoule, ils réfléchissent sévère à leurs méfaits ! La prison se fait discrète, ressemble de plus en plus à un campus soviétique, même plus le goût des vieilles pierres, et quand on rentre dedans et qu’on s’exclame : “quel cauchemar !”, on vous entend à peine car vous êtes loin de la ville, loin de la vie.
Revenons-en donc aux bases : le corps. La chair derrière le fer. Le corps qui a des droits
Quels sont les droits du prisonnier vis-à-vis de de l’espace où on l’enferme ? Comment repenser l’espace carcéral comme étant celui “qui fait peine” au corps ? 
“L’espace de détention” est le lieu et la finalité même de la peine qui demeure avant tout une séparation imposée vis-à-vis d’un extérieur. Il est donc stupéfiant de voir l’arbitraire dont dépend l’organisation et la nature de cet espace qui se trouve “surpeuplé“, “insalubre“, “high-tech” ou “déshumanisé” à la faveur d’un budget plus ou moins serré, sans que cela ne procède d’aucune décision légale.
Chaque élément de cet espace est pourtant responsable d’un impact sur le corps et la vie du prisonnier. C’est d’ailleurs pour ça qu’on l’envoie dans ce lieu là, pas vrai ?
La sanction envoie en prison, la peine est de devoir y vivre. Mais qu’est ce que c’est de vivre quelque part au juste ? S’installer, s’approprier, s’habituer. Mais en prison, c’est compliqué. Les prisonniers sont la plupart du temps exclus de l’espace même où on les enferme : sans intimité, sans personnalité, sans refuge, sans “lieux de vie” ni de travail.  Rien est à eux ni pour eux mais les condamnés doivent rester là. La prison se fait non-lieu. Les prisonniers de ce système subissent une peine de l’invisible : celle de vivre “nulle part”, dans un espace absent qui ne se révèle que dans la contrainte faite au corps. Comme un fantôme. De quoi rendre fou.
Il est hypocrite de nier que c’est avant tout au corps que parle la peine. Au corps situé que l’on oblige au pouvoir d’un lieu sans tête. C’est pourquoi le Génepi (Groupement Etudiant National d’Enseignement aux Personnes Incarcérées) a raison de partir de là, de cette dialectique fondamentale entre corps et espace pour appuyer son argumentaire en faveur d’une réforme de fond du système pénitencier. Les droits du détenu à l’activité physique, à l’intimité, à la sexualité, à la propriété mais aussi au suicide nécessitent une prise en compte spécifique du corps, centrale dans la législation et la définition de “l’espace de détention”. Le non-droit s’exerce dans le non-lieu. Il faut réglementer et en cela faire exister l’espace de détention dans la loi pour qu’il ne soit plus de “non-droit” pour ceux qui doivent y vivre.

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